Ubisoft a dévoilé Scalar, son premier moteur de développement qui intègre le cloud computing dès la conception des jeux vidéo. Mais quel impact la technologie aura-t-elle sur le jeu vidéo ?
Il y a quelques jours, l’éditeur francophone Ubisoft nous dévoilait Scalar, son tout nouveau moteur de développement. Avec lui, nous avons surtout eu le droit à une déclaration d’intention. L’idée est après tout de pouvoir dépasser les performances des consoles pour créer de nouvelles expériences, et libérer la créativité des développeurs. Mais dans les faits, quel est le véritable potentiel d’une telle technologie ?
La place du cloud dans le jeu vidéo
Concrètement, Ubisoft Scalar n’est pas un moteur de jeu. C’est un outil de développement qui permettra aux studios d’aller chercher des ressources dans le cloud pour les intégrer au développement d’un nouveau jeu vidéo. La subtilité est importante, puisque cela permettra au cloud de prendre plus ou moins de place dans la création d’un jeu vidéo selon la volonté et la vision des créatifs.
Il faut bien comprendre que le cloud a déjà une certaine place dans le développement du jeu vidéo, mais que celle-ci est encore assez limitée. A titre d’exemple, on sait que les jeux Forza de l’époque Xbox One ont utilisé la technologie pour ses joueurs fantômes. Ici, on a donc plus affaire à un cloud qui sert de base de données distante et intelligente. Le cloud est aussi utilisé dans le développement des expériences multijoueurs en ligne, notamment l’AWS et son interconnexion possible avec Twitch.
La promesse d’Ubisoft Scalar et du cloud
Ubisoft veut aller plus loin en utilisant plutôt le principe du cloud computing. Le cloud gaming est aujourd’hui connu comme le terme décrivant le fait de jouer à distance à des jeux : les serveurs cloud s’occupent d’être des « consoles » distantes, envoient leur flux vidéo vers un autre appareil, qui lui va envoyer ses interactions avec l’expérience. Le cloud computing va bien au-delà de ce principe, puisqu’il débloque l’intégralité des usages possibles de ces ressources à distance.
C’est ce que Scalar cherche à faire : prendre ces ressources, et les intégrer au développement d’un jeu. Et ce de manière décentralisée, c’est à dire que tous les serveurs n’auront pas nécessairement le même rôle. Dans la vision d’Ubisoft, on peut imaginer qu’un serveur cloud s’occuperait des calculs graphiques des personnages, un autre de ceux des environnements, et un dernier gérerait les interactions entre les divers éléments.
La console ou le PC sur lequel le jeu serait lancé n’aurait donc pas à s’occuper de l’intégralité des calculs, et les développeurs pourraient profiter d’une puissance décuplée par le fait d’accéder aux performances des serveurs distants. Pourquoi lancer un jeu sur une seule machine si on peut le lancer sur une dizaine de machines spécialisées chacune dans une tâche ?
Ubisoft Scalar, l’avenir du jeu vidéo ?
Sur le papier, l’idée est naturellement séduisante. Et grâce à ces nouvelles capacités, Ubisoft met en avant le fait de pouvoir créer des mondes permanents incroyablement étendus, qui pourraient être mis à jour et évoluer très facilement. Ce qui est tout à fait vrai : c’est l’une des promesses déjà tenues du cloud computing aujourd’hui. Pour le relier à du concret déjà connu aujourd’hui, on pourrait imaginer une carte Fortnite capable d’accueillir des centaines de milliers de joueurs à la fois et qui évolueraient plus régulièrement. Ou encore un MMO comme Final Fantasy XIV qui pourrait se mettre à émuler l’expérience du monde réel, que l’on parle de sa taille mais aussi de ses écosystèmes.
Il y a aussi plusieurs freins à cette évolution. Tout d’abord, il s’agirait de la fin du jeu vidéo tel qu’on le connaît aujourd’hui. Les titres développés avec le soutien d’un Ubisoft Scalar auront forcément besoin d’être constamment connectés à internet, ce qui est déjà un problème aujourd’hui. Mais en prime, leurs mondes seraient intégralement dépendants du maintien des réseaux. Les jeux vidéo créés par Ubisoft Scalar introduiront par essence le concept de l’obsolescence, là où les titres de toutes les plateformes avant l’intégration du cloud computing peuvent toujours être émulés ou leur architecture réseau récupérées par les fans (comme ce fut le cas pour Battlefront ou World of WarCraft). C’est un problème en soi, mais qui pourrait séduire les nouveaux consommateurs habitués au modèle du service dans le jeu vidéo.
Le coût d’Ubisoft Scalar
Ce à quoi n’importe quel consommateur ne s’habitue jamais, c’est la hausse des prix. Le développement des jeux vidéo coûte de plus en plus cher, ce qui justifie que les coûts de nos jeux vidéo ont également augmenté. Que se passera-t-il sur ce tarif dès lors qu’il faudra ajouter à un titre le coût de maintien du réseau cloud dont il dépend ? Est-ce que les prix varieront selon la région dans laquelle nous jouerons, selon que les serveurs soient développés ou non ? Et plus encore : qu’advient-il du jeu vidéo développé avec Ubisoft Scalar s’il est lancé dans un endroit éloigné d’un des serveurs, avec une connexion stable mais peu puissante ? Quid de la sécurité de nos données ?
Le cloud a toujours été une technologie à double tranchant. En la liant au développement-même du jeu vidéo, Ubisoft Scalar met en avant ses meilleurs et ses pires côtés. Il faudra naturellement juger sur pièce, et tout cela n’empêche pas d’être curieux et excité à l’idée de voir le premier jeu d’Ubisoft Stockholm qui va l’utiliser à plein potentiel pour sa prochaine IP. Mais au-delà de l’expérience vidéoludique pure, la technologie Scalar pose des questions importantes… auxquelles il faudra des réponses claires.