Dans un monde rêvé, le cloud computer Shadow et les Chromebook sous Chrome OS sont la combinaison parfaite. Dans les faits, le constat est un peu plus compliqué.
Nous sommes un petit nombre, mais nous existons. De ces personnes qui imaginent parfaitement acheter un ordinateur dans les 200/300 euros, et le rendre puissant grâce à un PC dans le cloud. Pour la première proposition, il existe une évidence : les Chromebook sous Chrome OS. Des portables peu coûteux, peu puissants, mais terriblement stables et rapides. Pour la seconde, en France, il y a Shadow : un PC intégralement déporté dans le cloud équipé d’une configuration solide.
L’idée est parfaite. Les faits… sont plus compliqués.
Ce qu’il faut savoir sur Chrome OS
Chrome OS, le système d’exploitation développé par Google qui soutient les Chromebook, est particulier. Créé autour du navigateur web Chrome, il était à l’origine uniquement destiné à ouvrir des applications créées sur internet. La vision du cloud computing, mais bien des années trop tôt. C’est pourquoi la plupart des configurations sont modestes, et n’ont pas de grandes capacités de stockage. Et aussi pourquoi Google s’occupe personnellement du développement de chacun des Chromebook disponibles sur le marché, ce qui explique pourquoi leur support est limité dans le temps à 8 ans en général.
Les choses ont cependant bien changé ces dernières années. Chrome OS ne se repose pas uniquement sur les applications web désormais. Depuis quelques années maintenant, vous avez accès au Play Store et à l’intégralité des applications Android. En prime, vous pouvez désormais compter sur les applications Linux. Dans ces deux cadres d’usage, les applications sont lancées dans ce qu’on appelle un « conteneur », qui permet de les isoler du système pour éviter les failles de sécurité. Car oui, jusqu’au bout, la promesse de Chrome OS est d’être un système imperméable au piratage. Mais du même temps, ces conteneurs peuvent poser des soucis de performance, par leur nature hermétique.
Installer Shadow sur votre Chromebook
Shadow version Android sur Chrome OS
Pour retrouver votre ordinateur Shadow sur votre Chromebook, il existe deux façons de faire pour deux types d’applications Shadow disponibles sur cet OS. La première est naturellement l’application Android. Pour la télécharger, c’est on-ne-peut-plus simple : il suffit d’ouvrir le Play Store, chercher Shadow, et l’installer comme vous le feriez sur votre mobile. C’est notamment possible pour Parsec, si vous préférez utiliser votre propre ordinateur comme serveur cloud.
Notez que la version stable et la version bêta sont disponibles par ce biais ; il vous suffit de vous inscrire à la bêta comme vous le ferez sur n’importe quel smartphone, via le Play Store.
Shadow version Linux sur Chrome OS
L’application Linux est un peu plus complexe à installer pour l’utilisateur lambda, mais suit une procédure relativement commune pour quiconque a déjà utilisé un système Linux. En premier lieu, il faudra activer Linux sur votre Chromebook. Pour cela, ouvrez les paramètres de Chrome OS, et allez dans les paramètres avancées. Ici, vous aurez l’option « Développeurs », puis « Environnement de développement Linux ». Activez celle-ci, choisissez un espace à dédier à l’OS sur votre disque, et poursuivez l’installation.
Concernant Shadow. Dans votre interface de compte, il vous suffira dans un premier temps de télécharger le fichier AppImage de l’application, en version stable ou en version bêta. Une fois sur votre disque, ouvrez l’explorateur de fichiers et déplacez-la à la racine du dossier « Fichiers Linux ». Dans votre liste d’applications sur Chrome OS, vous avez désormais un dossier « Applications Linux » dans lequel vous retrouverez le Terminal. Lancez-le.
Dans ce terminal, tapez les lignes suivantes :
- sudo apt install libva-glx2 libvdpau1 libva-drm2 libcurl4
Ceci mettra à jour les fichiers nécessaires au lancement de l’application Linux sur votre Chromebook.
Toujours dans le Terminal Linux, tapez simplement cette ligne pour lancer l’application Linux de Shadow :
- ./Shadow.AppImage
Si vous avez renommé le fichier AppImage, l’avez mis dans un dossier particulier ou avez téléchargé la version bêta, adaptez cette ligne à votre configuration. Comme par exemple :
- ./NomDuDossier/MonShadowAMoi.AppImage
L’application Shadow en version Linux se lancera sur votre machine. Notez que celle-ci ne permet pas encore de sauvegarder vos informations de configuration. Il est donc normal de devoir vous reconnecter à chaque lancement, le temps que les développeurs du cloud computer ne s’attelle à la tâche.
Performances de Shadow (Android) sur Chrome OS
Avec l’arrivée de Jean-Baptiste Kempf dans l’équipe Shadow, avant le rachat d’OVH, les Chromebook ont reçu un soutien important. La version Android était avant lui inutilisable sur Chrome OS. Mais après quelques modifications du code de l’application, celle-ci fonctionne aujourd’hui très bien sur Chromebook. Vous pourrez lancer l’application et retrouver des performances relativement similaires aux smartphones Android, selon les capacités de votre Chromebook. N’oubliez pas que celui-ci doit être capable de décoder les flux H264 au minimum, H265 également au mieux. Pour le savoir, tapez la référence de votre CPU sur Google : vous trouverez rapidement l’information.
La compatibilité n’est cependant pas exempte de défaut. Le clavier très particulier des Chromebook ne réagit pas tout à fait correctement avec le Windows de Shadow, à titre d’exemple. Un moyen d’atténuer le problème est de passer par les paramètres de Chrome OS, Périphériques, Clavier, et de cocher « Considérer les touches de la rangée supérieure comme des touches de fonction ». L’application tourne également parfois dans le vent sans se connecter ; il vous suffit de redémarrer votre Chromebook dans ce cas.
Mais surtout, Shadow en version Android a un gros problème : il ne détecte pas correctement le pavé tactile de votre appareil. Vous pouvez intégralement oublier le clic droit ou les gestes à plusieurs doigts comme le fait de scroller. Le pavé tactile n’est plus bon qu’à une chose : faire un clic gauche. Le curseur de la souris n’a également aucune accélération, ce qui est une gêne notable : il manque quelque chose d’intuitif dans son usage.
La bonne nouvelle est que passer outre est relativement simple : il vous suffit de connecter une souris externe. Celle-ci se comportera naturellement dans l’interface Windows de Shadow. L’application Android de Shadow est également la plus limitée du créateur, puisque ce dernier a mis un certain temps avant de retrouver un développeur compétent pour cette plateforme. Il manque notamment le mode 4:4:4 qui vous permettrait d’avoir un rendu complet des couleurs pour des tâches graphiques ou de vidéo.
Performances de Shadow (Linux) sur Chrome OS
La version Linux de Shadow a l’avantage d’être au même niveau que les autres en ce qui concerne les fonctionnalités. Ainsi, le mode 4:4:4 est bien disponible sur celle-ci, à titre d’exemple. Elle est aussi une application qui attend naturellement le comportement d’un PC, ce qui veut dire qu’elle est intégralement compatible avec le pavé tactile et tous ses gestes, et se comporte plus « normalement » que la version Android. A l’excepté d’un petit bug, où il faut forcément délier le curseur de la souris pour que l’application fonctionne normalement. Pour être honnête, c’est un plaisir de l’utiliser… si l’on se contente de naviguer sur des images fixes.
Le gros problème de la version Linux sur Chrome OS est que ses performances réseaux sont loin d’être assez satisfaisantes pour faire quoi que ce soit d’important. Jouer à un jeu comme Elden Ring est impossible dans ces conditions, puisque l’image subira des freezes réguliers. Utiliser une application lourde est aléatoire : c’est assez confortable pour faire du montage sur Adobe Premiere, et parfois non. Assez stable pour faire du Photoshop, sans plus.
S’il faut chercher un coupable à cette situation, je ne pense pas qu’il faille pointer du doigt Shadow. Si je n’ai pas les capacités techniques de le tester, je pense que tout cela provient du conteneur Linux de Chrome OS, qui force des étapes supplémentaires et un contrôle renforcé sur la moindre interaction entre le noyau et le matériel réel de votre ordinateur. C’était notamment le cas pendant longtemps sur les drivers graphiques, qui empêchaient l’utilisation de l’accélération matérielle dans un conteneur Linux et donc l’usage de Shadow. Cette situation a été débloquée par une mise à jour de Chrome OS, mais je ne vois pas la situation évoluer de si tôt pour la connexion internet.
Quel avenir pour Shadow sur Chrome OS ?
Savoir ce qu’ont les développeurs de Shadow en tête est compliqué. Si l’entreprise fait un énorme effort de transparence depuis sa création, en proposant des sessions Q&A régulières pour ses abonnés notamment, ils ont également avoué de nombreuses fois que Chrome OS n’est pas leur priorité. Ce qui est compréhensible : en France, le marché où est installé la majorité de leurs utilisateurs, les Chromebook ne sont pas aussi installés que les machines Windows, macOS, Linux et consorts.
Cependant, avec l’expansion de Shadow sur le territoire américain, on peut espérer que le cloud computer prenne un peu plus en considération les Chromebook, qui y sont plus populaires. On peut espérer que l’application Android devienne progressivement plus optimisée pour Chrome OS, et pourquoi pas finisse par prendre en compte le pavé tactile correctement. J’ignore cependant si tout ceci est techniquement possible.
Heureusement, tout ne s’arrête pas là. Le plus grand espoir des utilisateurs de Shadow sur Chrome OS est déjà en développement. L’entreprise a annoncé il y a quelques temps être au travail sur une version web de Shadow, qui permettrait de lancer son cloud computer à partir d’un navigateur. Comme Chrome, par exemple. Cet usage serait tout simplement parfait pour un Chromebook.
Reste que le développement est toujours en cours, et qu’il ne semble pas être le plus prioritaire pour l’équipe Shadow (ce qui, encore une fois, est compréhensible). A l’écriture de ces lignes, elle semble plutôt focalisée sur le support des Raspberry Pie, qui pourraient par ailleurs apporter de belles nouveautés pour la version Linux du même temps. Espérons cependant que la situation évolue vite, pour que le monde rêvé dont nous parlions en introduction devienne réalité.